Erri De Luca
Impossible
La montagne est âpre, rude.
Elle domine.
Elle commande.
Dans les Dolomites, un homme chute. Un autre, derrière lui, donne l’alerte. Or, ce ne sont pas des inconnus. Des décennies auparavant, ils ont fait partie du même groupe révolutionnaire. Le premier a trahi et livré ses compagnons, dont le second.
Improbable coïncidence pour le magistrat en charge de l’affaire. Bien décidé à confondre l’homme, il le soumet à des interrogatoires sans relâche.
Lu dans le cadre du trophée Folio-Elle, ce roman m’a permis de découvrir le style de Erri De Luca.
Une écriture percutante, ciselée, un livre dans lequel aucun mot n’est posé par hasard.
Une grande maîtrise. Typiquement le type de rencontre d’auteur/autrice que je recherche en participant à des prix littéraires.
Le texte alterne chapitres d’interrogatoire et lettres que le suspect écrit à sa douce, « ammoremio ». Les polices d’écriture sont au diapason du texte, pour guider le lecteur, tantôt machine à écrire ou plume de poète. Le tout forme un roman court d’une époustouflante intensité.
Tout est duel dans ce récit : les chapitres, écritures, générations ou points de vue. Mais l’interrogatoire se mue peu à peu en un dialogue profond, aux multiples niveaux de lecture. Les convictions vacillent, les équilibres s’inversent et Erri de Luca joue avec la nature humaine. La tension augmente au fil des pages, l’issue se veut incertaine.
La montagne, personnage à part entière du récit, est magnifiée dans les chapitres épistolaires. Présence de la nature, à la fois splendide et dangereuse (là-aussi duelle), point de départ de réflexions plus philosophiques pour le prisonnier. Un texte qui appelle aussi à la réflexion, à la méditation.
Un roman habilement construit, un polar déguisé qui casse les codes du genre pour nous emmener sur les chemins escarpés de montagne et aux confins de l’âme humaine.
Alors cette rencontre aux seins des Dolomites ? D’après vous, possible ou Impossible ?