Ellen Marie Wiseman
La vie qu’on m’a choisie
1931, Blackwood Manor.
Lilly est une petite fille qui a grandi enfermée dans un grenier, passant son temps à jouer à la dînette avec son chat et à regarder par la fenêtre les chevaux de l’élevage de ses parents.
Pourquoi ?
Parce qu’elle est un monstre, affirme sa bigote de mère, et qu’elle ferait peur à quiconque la croiserait. Seul son père lui apporte un peu d’affection. Une nuit, à la faveur de l’absence de ce dernier, la mère de Lilly la fait sortir pour la 1ère fois de sa prison. Un cirque s’est installé dans le pré.
1956. Julia Blackwood hérite du manoir et de l’élevage de ses parents. Revenant sur les lieux de son enfance douloureuse, elle interroge le passé de la demeure et de ses occupants. Photos, coupures de journaux, porte dérobée… Autant d’indices qui vont peu à peu lui faire découvrir un secret innommable.
Incroyable fresque romanesque qui nous embarque dans des décors gothiques, somptueux et peu rencontrés en littérature, les coulisses d’un cirque des années 30.
Luminosité déclinante, couleurs du maquillage, velours des pelages, poussière des sols, éclat des costumes, le récit très cinématographique nous abreuve de détails pour mieux nous immerger dans l’histoire.
Ellen Marie Wiseman dresse un portrait sans concession de ce monde circassien.
Les déplacements et la logistique, l’attrait pour le morbide et l’ «anormalité », les rapports de force et de domination, l’exploitation animale, la souffrance des femmes…
Malmenées par les êtres humains, les deux héroïnes se retrouvent dans les souffrances infligées aux animaux. Leur rapport à l’animal, l’une aux éléphants, l’autre aux chevaux, leur permet d’exorciser leurs maux enfantins et soulève le questionnement encore actuel de la place de l’animal dans les cirques.
Une double narration haletante, dont on sait qu’elles vont se rejoindre, pour 2 héroïnes extraordinaires et résilientes face aux atrocités dont seule est capable l’espèce humaine.
On est surpris, envoûté, dégoûté, emporté, ému, on essuie une larmichette et on ne peut plus lâcher ces destins.
Avec une petit qqchose d »Elephant Man » de Lynch en prime.