Lettre à un jeune comédien

Lettre à un jeune comédien

Philippe Torreton

 

Après plusieurs ouvrages, dont l’émouvant Mémé, Philippe Torreton publie cette fois une lettre ouverte, sorte de bienveillant dix commandements à destination des futur.e.s et/ou potentiel.le.s comédienn.e.s que nous sommes.

 

Un texte alliant conseils et injonctions, écrit à la 2ème personne, ce fameux tu, créant un lien immédiat entre l’auteur de la lettre et son lecteur.

 

Dans celui-ci, Plilippe Torreton met son expérience au service de la jeunesse et déclame son amour du verbe et du théâtre.

 

Non pas un amour aveugle, une passion au sens philosophique du terme, mais plutôt un amour éclairé et éclairant. Conjuguant citations, situations vécues et ressentis en tant que comédien puis professeur, il s’adresse au comédien en devenir tel un coach à son protégé qui monte sur le ring.

 

Il n’édulcore pas le milieu du théâtre mais offre un éclairage qui déconstruit un certain nombre de préjugés pour aller vers l’essentiel : « Ne laisse personne polluer cette joie première d’être sur scène. » ou bien « Ne deviens jamais un acteur professionnel, reste amateur, reste fragile, reste étonné. » Un emploi de l’impératif qui peut étonner au premier abord, mais qui interroge au lieu d’ordonner.

 

Dans cette lettre, il parvient à associer théories et idées plus abstraites avec une approche très concrète du métier, en établissant une to-do list à destination du comédien en herbe : être en avance aux répés, comment travailler son texte, comment rebondir à un échec, etc…

Du texte ressort fraîcheur et enthousiasme pour cet art qui, selon lui, devrait prendre place dans le cursus scolaire. Trop peu d’élèves y goûtent pendant leur scolarité, et ils ont pourtant tant à y gagner. Aller à la recherche de soi-même, se mettre au service d’un texte, apprendre à poser sa voix, à écouter l’autre…

Car le théâtre n’est pas fait de narcissiques cherchant à briller sous les projecteurs, mais bien plus de personnes à la sensibilité exacerbée, au vécu chargé d’émotions qui trouvent un exutoire sur les planches et donne toute leur énergie pour que vive le plus important : le texte.

 

Philippe Torreton le rappelle à juste titre sur la couverture : Je dis donc je suis. L’individu au service des auteurs de théâtre et de leurs mots. Au gré des pages, nous croisons Shakespeare, Verlaine ou Molière au gré d’un voyage au pays de la littérature. Le cinéma n’est pas en reste avec de nombreuses anecdotes sans voyeurisme mais choisies avec lucidité.

 

Autre point que j’ai particulièrement apprécié : la notion de troupe élargie. Philippe Torreton a une conscience aiguë de l’autre, qu’il soit acteur célèbre ou machiniste.

Il fait l’éloge de tous ces métiers de l’ombre, derrière le rideau ou en régie, ceux qu’on ne montre que d’une main à la fin du spectacle pour les remercier. Pour lui, chaque personne est aussi essentielle, qu’elle soit ou non dans la lumière.

Il bouscule avec modernité bon nombre de codes et de traditions : pourquoi un jeune sans le bac ne pourrait-il pas avoir accès aux grandes écoles de théâtre ? Pourquoi un rôle masculin ne pourrait-il pas être joué par une femme ? Pourquoi Roméo serait-il nécessairement « beau et élancé »? Pourquoi s’intéresse-t-on encore aujourd’hui, et de manière archaïque, à la couleur de peau pour un rôle ? Autant de portes qu’il enfonce pour ouvrir le débat.

Philippe Torreton a dû être un professeur de théâtre passionnant !

Certain.e.s targueront que le texte paraît parfois un peu long voire répétitif pour le néophyte en matière de théâtre. Je comprends.

Mais enseigner, c’est aussi répéter !

Et le message est si positif, délivré avec une telle volonté d’être aidant et, surtout, rédigé avec un tel souci du mot juste qu’il serait dommage de ne pas le faire découvrir à un maximum de jeunes lycéens et adultes. Il y a tant de belles phrases, citations en devenir à noter sur les coins de cahier ou de script !

Philippe Torreton offre ici un voyage initiatique, un essai réussi et passionnant sur le métier de comédien.

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